Paris-Bombay,
un bus relaie la voix des jeunes

Alin, le militant

Fièrement, Alin pose devant le bureau de son parti à Timisoara. Composé de nombreux ex-communistes - mais tout le monde n'était-il pas communiste du temps de Ceaucescu? - le parti de centre-gauche PDSR (Parti social-démocrate de Roumanie) est aujourd'hui au pouvoir. Alin n'a que 21 ans mais ne cache pas ses ambitions : devenir un jour premier ministre de Roumanie. Ses études en horticulture ne l'intéressent pas : elles lui permettent surtout de trouver le temps nécessaire pour se consacrer à la seule occupation qui le passionne, la politique.

Par rapport à d'autres jeunes Roumains, il semble vouloir marquer la différence, à moins que ce ne soit lié à ses origines relativement aisées - son père est le grand chef de tous les contrôleurs de bus de Timisoara, ce qui permet à Alin de se déplacer gratuitement. Elégant, tout en noir, cheveux laqués, il mesure constamment ses propos et ses actions, comme le montre son refus de boire des alcools forts. Son côté introverti et serviable le ferait presque passer pour modeste s'il ne faisait preuve d'une confiance quasi illimitée dans ses capacités.

L'an dernier, il a été élu président de la Ligue étudiante du PDRS à Timisoara, dont il faisait partie des premiers fondateurs: élu à l'unanimité... mais comme seul candidat. La propagande politique étant interdite dans le cadre des universités, la ligue s'est constituée en dehors. Désormais 1000 étudiants suivent Alin, qui se considère comme le cerveau du mouvement, « the brain ». Quand on lui demande si les étudiants se mobilisent, il répond : «Quand le leader est bon, ce n’est pas difficile de les motiver ».

Pour acquérir de l’expérience et poser les premiers jalons de sa carrière, il s'investit déjà autant qu'il le peut dans les milieux politiques de la ville. Il est d'une part conseiller personnel du Directeur de la jeunesse et des Sports de la ville, un ami âgé de 24 ans, une activité non payée, "juste pour le plaisir". D’autre part, employé par la Préfecture, il est chargé de la redistribution aux paysans des terres collectivisées sous le régime communiste. Ce dernier « job », qui lui prend 4 heures par jour en moyenne, lui permet de gagner 1,4 millions de Lei par mois, c’est-à-dire à peine 420F, ce qui correspond au salaire moyen roumain (1000F par mois pour un temps plein).

Il montre une réelle motivation et volonté de faire bouger les choses, la politique étant selon lui le seul engagement efficace. Il est également très confiant dans son parti pour mener des réformes efficaces. Toutes ses activités lui plaisent indifféremment et elles ne font que renforcer son volonté d'agir. Sa plus grande fierté reste un projet de loi discuté en ce moment au parlement national, dont il se dit l’initiateur, ce que nous n’avons pu vérifier : il vise à créer un statut d’étudiant (avantages moraux, fiscaux…), aujourd’hui inexistant. Contrairement à la quasi-totalité des jeunes Roumains rencontrés, Alin veut rester dans son pays et il restera : peut-être au risque d’être déçu - la corruption fait rage en Roumanie - il tentera de faire évoluer son pays selon ses convictions.

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