Paris-Bombay,
un bus relaie la voix des jeunes

Nos partenaires
Notre livre d'or
FORUM

 
 

Le voyage  
  
 
 
 
       
 

Nos reportages |Présentation du pays | Des liens...

 
 

 Nos reportages 

vidéo : concert de tambours

 
Photos
 
 

Galerie de fresques de propagande
Iraniens, iraniennes
Visite d'ARG-E BAM
Instants d'Isfahan

 
     

 
Enregistrements sonores
 
 

Aucun article trouvé.

 
     

 
Reportages
 
 

Isfahan cé bô
Téhéran, cé grand...
Les retrouvailles tabriziennes...
L'Iranian Student News Agency
Akbar, routier en Iran
Amir, Hadi et Massoud, les trois compères
Qui sème l'austérité et le ressentiment....
Etincelle à l'envers... et en vélo !
Confessions d'un jeune sur l'Iran
Massoud, brèves rencontres
Capitale, jeunesse sous le voile
Halimi, élève à l'école coranique
Rencontres à Téhéran
Un théâtre nommé désir
Etat des routes en Iran

 
     

Untitled Document

CAPITALE : JEUNESSE SOUS LE VOILE ?

Que se cache-t-il derrière une bête visite d'Université à Téhéran? Bien plus qu'il n'y paraît. Les déambulations dans le couloir de la Amir Kabir University of Technology nous ont ouvert les portes d'un monde dual. Tout ce qui semble ne pas faire de vagues en surface est en fait chargé de sens. Gagnés d'abord par un certain malaise durant notre visite, nous avons pu (cru) ensuite voir un peu plus clair dans cet univers du double langage. Récit donc d'une journée...pas mal absurde!

11 heures du matin : Isa, Roms et moi (Ana) sommes fins prêts pour suivre nos deux étudiants Hussein et Farzhad, et découvrir leur campus. Ceux-ci y réalisent leurs études d'ingénieur, qu'ils effectuent plus particulièrement dans le champs des polymères. Passionnés par leur matière, ils ont lancé un journal technique de très bonne qualité qui contient des interviews de spécialistes et d'industriels, ainsi que les dernières avancées de la recherche dans le domaine des polymères. C'est le premier et seul journal de toute l'Université qui soit publié intégralement en anglais, sans un mot de farsi. Pour nous, il s'agit avant tout de voir l'Université de l'intérieur, voire rencontrer d'autres associations plus liées aux enjeux actuels du pays.

Premier obstacle à l'entrée, et premier aperçu du royaume de l'indirect. Nous attendons une demi-heure l'arrivée de la lettre d'autorisation indispensable à notre introduction dans le campus, tandis que les cerbères qui nous retiennent nous somment via 2 intermédiaires masculins d'ajuster nos foulards, tout centimètre carré de peau visible étant inadmissible. En effet, contrairement aux universités européennes, les règles sont plus strictes à l'intérieur du campus que dans la rue. Enfin, nos foulards sont parfaitement mis, et nous pouvons désormais nous diriger vers le bâtiment neuf et lumineux du département des polymères.

Nous grimpons jusqu'au local où plusieurs étudiants tiennent leur réunion hebdomadaire. D'habitude on y cause technique, mais les formules chimiques sont abandonnées cette fois-ci, nous échangeons nos prénoms et nos impressions du pays. Le climat est tendu et tous sont sur la défensive. "Pourquoi faites-vous cela [le projet]? Qu'y voyez-vous de nouveau? Ça a déjà été fait, non?" nous demande l'un deux avec méfiance. De plus, nous allons trop vite, et tombons dans le piège de brusquer les choses. Nous risquons une question sur leur position par rapport aux codes de conduite imposés par le gouvernement... c'est le mur. "Votre perception occidentale de la liberté ne peut s'appliquer ici, je me sens bien dans mon pays" rétorque Farzhad. Quand nous insistons encore en précisant que, loin de vouloir placer l'Iran et l'Europe sur une même échelle de valeur, nous cherchons maladroitement à comprendre une réalité qui n'est pas la nôtre, Farzhad lance tout bas: "Je ne peux pas parler ici". Un peu honteux de notre gaucherie, nous quittons rapidement la réunion. La journée sera ponctuée de petites maladresses : les filles cherchent à serrer la main d'un professeur alors que tout contact entre deux personnes de sexe différent (surtout si l'écart d'âge est important) n'est pas permis, un faux mouvement découvre notre cou et nous oublions de rajuster notre foulard sans comprendre le pourquoi des regards obliques que nous recevons en passant...

Cela dit, on nous répète souvent de nous mettre à l'aise, les règles se sont relachées par rapport à quelques années auparavant.Un professeur francophone que nous avons rencontrés au détour d'un couloir nous guide vers les locaux des clubs et activités extra des étudiants: depuis le sport, la musique, le théâtre, l'organisation de fêtes et l'élection de présidents des clubs, la vie et les loisirs s'organisent sur le campus. Cependant il s'agit plutôt de cache-pot ou de tremplins pour s'occuper de politique, nous confie le professeur.

Un tableau sur un des murs d'une association nous marque particulièrement : il s'agit de la Joconde à laquelle on a rajouté des moustaches (rien de bien original jusque là) et qu'on a soigneusement égorgée en laissant couler de la peinture rouge... Comme si toute la violence refoulée d'une jeunesse en mal d'espace d'expression était évacuée par ces chemins détournés : un dessin dans un club, un atelier de théâtre...

L'association islamique en particulier est l'une des plus politiques du campus. L'année dernière, une parodie du douzième Imam descendant de Mohamed (l'Imam Zaman ou Imam caché) a été publiée dans leur journal. Ceci a valu un mois de prison ferme pour les deux étudiants auteurs de l'article et l'éditeur de leur journal... Le matin même, nous avons lu la colonne consacrée aux prisonniers politiques dans Iran News: presque la totalité sont des étudiants. Nous avons même eu l'occasion de passer devant la plus grande prison de Téhéran : elle est uniquement réservée aux prisonniers politiques... En ce qui concerne l'University of Teheran, que nous n'avons pas pu visiter, les troubles entre les étudiants et les forces de l'ordre sont réguliers (chaque mois il se passe quelque chose nous dit Hussein): ceux-là organisent des rassemblements et débattent sur le socialisme et la démocratie, avant de se faire déloger par la police ou l'armée. Plusieurs étudiants sont alors pris plus ou moins au hasard et sont incarcérés pour quelques jours.

Mais quel est donc le lien entre une Université uniquement technique, industrielle, et le fait qu'elle soit la plus politique du pays? Tout d'abord, il faut savoir que la sélection à l'entrée est "meurtrière": n'y entrent quasiment que des génies. Ceux-ci ont alors les outils critiques pour mettre en perspective le régime et s'interroger. D'autre part, faire fonctionner une faculté de haut niveau dans le domaine industriel est presque un acte de résistance face aux minorités bourgeoises commerçantes qui dirigent le pays. Celles-ci doivent leur fortune au commerce, c'est à dire l'importation de produits finis qu'elles revendent à des prix élevés à l'intérieur du pays. Elles n'ont aucun intérêt, concrètement, à ce que le pays s'industrialise, forme des professionels qualifiés en technologie, pour fabriquer lui-même des produits finis à moindre prix... Les commerçants font donc un lobbying intense pour réduire le budget consacré à l'éducation et à la recherche (en France, le budget alloué à la recherche représente 3,5% du PNB, contre 0,3% en Iran...). Ceci n'est pas difficile puisqu'ils pénètrent les hauts cercles politiques et religieux. Continuer à étudier à un haut niveau, avec des professeurs remarquables qui ont décidé de rester enseigner dans le pays malgré les opportunités qui leur ont été offertes aux Etats-Unis et en Europe a donc aussi une haute signification politique...

Un dernier épisode qui nous a fait réaliser le climat de méfiance flottant dans les couloirs de l'Université a été le déjeuner à la cantine du campus. Les femmes sont séparées des hommes par un paravent qui rend impossible tout contact. Roms, Hussein, Farzhad et le professeur partent d'un côté, Isa et moi de l'autre. Les filles gardent le voile pour manger, même si elles ne sont en présence d'aucun homme. Nous nous asseyons donc à côté de deux jeunes iraniennes et commençons à discuter. Elles sont curieuses et pleines de vie, et très vite nous invitent à passer la fin de semaine à la montagne (les jours de repos étant le jeudi et le vendredi). La montagne... Mères de toutes les libertés, les montagnes qui entourent Téhéran sont le lieu où tous les jeunes se retrouvent pour "tomber le voile", flirter, se défouler... tandis que les religieux sont à la prière et que les bassidjis (police des moeurs) ne peuvent les atteindre. Nous acceptons avec plaisir, lorsque tout d'un coup, mûes par un même ressort, elles nous quittent en nous disant à peine au revoir. Nous apercevons alors deux femmes plus âgées, tout sourire, qui viennent s'asseoir à notre table et nous interroger sur notre venue en Iran. Elles travaillent dans l'administration... Nous avons appris à être prudentes!

Si nous éclairons cet article par ce que nous avons vu dans d'autres domaines, en parlant avec des iraniens et en explorant le cinéma iranien contemporain, l'Iran semble bien équivaloir au règne de l'indirect et de la métaphore, où le sens doit être cherché derrière les apparences.

Plutôt fatigués, nous quittons Amir Kabir University of Technology et allons boire un verre avec Hussein et Farzahd, où l'atmosphère décontractée met fin à notre perplexité. Tout comme nous, ils sont parfois perdus entre les doubles sens et les paranoïas quotidiennes des règles officielles; ils aiment parler d'amour, vivre pleinement leur jeunesse, et prendre la vie à la légère...

Ana

 



-





 
       

| page d'accueil
Les jeunes | Le voyage | Des photos | Notre aventure
FORUM | Nous | SHELL