Paris-Bombay,
un bus relaie la voix des jeunes

Nos partenaires
Notre livre d'or
FORUM

 
 

Le voyage  
  
 
 
 
       
 

Nos reportages |Présentation du pays | Des liens...

 
 

 Nos reportages 

vidéo : concert de tambours

 
Photos
 
 

Galerie de fresques de propagande
Iraniens, iraniennes
Visite d'ARG-E BAM
Instants d'Isfahan

 
     

 
Enregistrements sonores
 
 

Aucun article trouvé.

 
     

 
Reportages
 
 

Isfahan cé bô
Téhéran, cé grand...
Les retrouvailles tabriziennes...
L'Iranian Student News Agency
Akbar, routier en Iran
Amir, Hadi et Massoud, les trois compères
Qui sème l'austérité et le ressentiment....
Etincelle à l'envers... et en vélo !
Confessions d'un jeune sur l'Iran
Massoud, brèves rencontres
Capitale, jeunesse sous le voile
Halimi, élève à l'école coranique
Rencontres à Téhéran
Un théâtre nommé désir
Etat des routes en Iran

 
     

Untitled Document

 

Rencontres à Téhéran

L'Iran faisait sans doute partie des pays qui nous intriguait le plus, le pays pour lequel notre but 'relayer la voix des jeunes' prenait vraiment tout son sens. Toutes ces images qui nous hantaient, le topo de Chach sur l'histoire et le fonctionnement de cet Etat religieux nous ont forcément amenés à nous poser la question des rencontres entre jeunes. Tous les Iraniens avec lesquels nous avons discuté nous ont affirmé que les mariages n'étaient plus arrangés et que les jeunes filles n'étaient plus tellement soumises au choix de leurs parents.

Mais alors, s'il est interdit de se promener avec un homme qui n'est ni un parent ni un mari, si tout contact physique entre homme et femme est interdit en public, si les cantines universitaires ainsi que les cours sont séparés par sexe, comment les jeunes s'arrangent ils pour se rencontrer, se parler, s'aimer?

Isa, Chach, Sanjeev et Aurélie sont allés enquêter de leur coté sur les teens, alors que Chacha et Charlotte sont allées voir ce qui se passait chez les plus agés.

Acte I. Le 'sport' de la jeunesse dorée de Téhéran.

Une jeune iranienne de 19 ans nous a emmenés au stade, en nous promettant plein de rencontres avec les jeunes. J'avoue que je trouvais l'endroit peu propice à la sociabilité mais je me rappelais la passion des jeunes pour le foot, et m'imaginais qu'ils se retrouvaient là pour discuter de leurs équipes favorites. J'étais bien loin de la réalité. Il s'agit en fait d'un grand complexe sportif avec piscine, terrains de golf et de tennis, restaurants... dans lequel il faut montrer patte blanche aux gardiens à l'entrée. Le club est privé et réservé à ceux qui ont le moyen de payer l'équivalent de 450 F par an pour s'inscrire.

Les adolescents (tous bien beaux pour aller faire du sport) peuplent les allées, garçons d'un côté, filles de l'autre. Ils ont entre 14 et 18 ans. Les premiers portent les dernières baskets à la mode, des pantalons larges et des sweats américains; le foulard des secondes tombent bien bas sur leur chevelure et laissent apparaitre des visages fardés. Chacun déambule et il y règne une atmosphère de bord de mer en été le soir. Chacun s'interpelle, ricane, drague, ça nous a rappelé nos 15 ans!

Je m'approche d'une table occupée par une douzaine de jeunes filles toutes plus excitées les unes que les autres. Elles viennent ici avec la bénédiction de leurs parents car l'endroit est bien plus sûr que les rues de Téhéran. Il reste un semblant de contrôle des comportements: un vieil homme vient chasser la joyeuse bande de leur table, leur attitude n'étant pas 'bénéfique au pays'. Une fois encore, l'hypocrisie de ce régime, ou peut-être son incapacité à s'imposer parmi les jeunes m'apparaît flagrante.

Elles viennent toutes ici parce que c'est le seul endroit pour elles et pour les adolescents. Elles se plaignent du peu de place qui leur est accordé dans leur pays. Rien ne leur est adressé dans les médias, la vie publique est envahie par la politique et elles manquent toutes d'occupation, de loisirs. Une d'entre elles me cite l'exemple des jeunes californiens pour lesquels des activités ont été créées afin d'enrayer le problème de la toxicomanie, elle veut exprimer par ce fait que la négation de la jeune génération opérée par les dirigeants peut conduire à de graves excès. Ce sont ces excès que Chacha et Charlotte ont constaté dans les quartiers chics de Téhéran.

Acte II. Moeurs et coutumes des fashion-victimes de Teheran

Pour la tranche d'âge au-dessus, l'endroit à la mode de Teheran, depuis 2/3 mois, s'appelle Gandhi. Rien de bien extraordinaire à l'origine. Simplement des coffee-shops, c'est-à-dire des cafés vendant boissons softs et glaces, autour d'un patio un peu surélevé par rapport à la rue, dans un quartier du nord de Teheran, un quartier dit 'chic'. Mais ce qui fait la particularité du lieu, c'est sa clientèle.

Lorsque nous arrivons, les tables et les escaliers menant au patio sont bondés. Des groupes de jeunes, parfois mixtes, entre 16 et 22 ans en moyenne, discutent et semblent occupés à se reluquer les uns les autres, comme en attente de quelque chose. Ils nous regardent passer avec curiosité, voire intérêt. Les garçons sont bien habillés, en chemise ou petit T-shirt noir, les cheveux laqués; certains ont des lunettes de soleil dernier cri, de préférence rouges ou oranges.

Mais ce sont les filles qui nous suprennent le plus. Par rapport à la plupart des Téhéranaises, souvent vêtues de noir, voire en tchador, au mieux en beige ou bleu, celles-ci nous paraissent franchement éxubérantes, à leur manière. Toujours élégantes, elles gardent des vêtements longs et amples, mais se parent de couleurs flashy et chaussent des sandales dénudées à talons. Elles ne peuvent pas non plus quitter leur foulard, bien sûr, mais s'arrangent pour laisser leur chevelure et parfois leur cou à moitié découverts. Mais ce qui attire le plus l'attention, c'est incontestablement leur maquillage. Fardées comme jamais, elles accumulent couches de fond de teint, mascara et gloss, sans pour autant passer pour vulgaires.

Peu après notre arrivée, nous voyons tout à coup le lieu se vider à la vitesse grand V. En effet, deux policiers viennent de faire leur apparition dans l'entrée du patio. Ceux qui restent ont 'normalisé' leur attitude ou apparence, les uns prenant leur distance, les autres rajustant leur foulard. Le patron d'un des coffee-shops nous raconte les fréquents contrôles de police. Ici, les jeunes sont toujours à la limite de la légalité, que ce soit au niveau vestimentaire ou au niveau relationnel, puisque en Iran, filles et garçons n'ont tout simplement pas le droit d'être ensemble, s'ils ne sont pas mariés ou de la même famille. Pas besoin de guetter la police, car le bruit se répand toujours comme une véritable traînée de poudre d'un bout à l'autre du patio. Le coffee-shop lui-même ne fait rien d'illégal, mais ses tenants ont tout intérêt à prévenir les jeunes de 'respecter les lois islamiques', sans quoi on les menace de faire fermer l'endroit.

Il est cependant facile, et plus que courant, d'acheter les policiers iraniens, mal payés par l'Etat, sauf s'ils sont haut placés dans la hiérarchie. Les histoires se suivent et se ressemblent. Mana et son copain, pris en flagrant délit de 'promenade en couple illégal', étaient menacés d'être emmenés au poste. S'ils avaient prétendus être mariés, la police les auraient pris à part pour vérifier: 'Quel est la marque de votre réfrigérateur? Comment s'appelle le grand-père de Mana?' sont le type de colles qu'elle a coutume de poser. Ou bien elle aurait appelé les parents, ce qui représente peut-être la pire des menaces pour les jeunes filles. Si celles-ci bénéficient d'une liberté ou d'une confiance toute relative, elles ne parlent cependant jamais de leurs relations pré-maritales à leurs parents. La seule solution pour éviter d'ébruiter l'affaire: donner 5000 tomans (environ 50F) aux policiers pour acheter leur silence. Ce soir-là, un jeune qui s'est fait arrêter, sans doute pour une raison similaire, nous raconte la même chose. Contre 5000 tomans, il a pu éviter la nuit au poste.

Mana a 17 ans. Elle est venue avec son copain, 21 ans, et sa copine Nina. Depuis qu'elle a 15 ans, elle fréquente Gandhi régulièrement, le jeudi ou vendredi soir (le week-end musulman), car c'est un endroit rempli de jeunes de son âge. Sinon, les meilleurs lieux pour se retrouver sont les fêtes privées. La plupart des jeunes viennent ici dans l'objectif de faire des rencontres, pour draguer en somme. Comme nous l'explique cette juriste française d'origine iranienne, 'les filles se maquillent pour attraper le poisson'.

 

 

David, 22 ans, avec son look fashion et surtout ses lunettes pétantes, vit sur l'avenue la plus chère de Téhéran. Le stylo au fond de sa poche, toujours à portée de main, il donne son numéro de téléphone aux filles qui l'acceptent. Amir, quant à lui, a opté pour la technique 'carte de visite' - la carte design, lettres argentées sur fond noir. Ce soir, David est fier de son palmarès: 5 filles sont reparties avec son numéro. Apparemment peu préoccupé par le fait qu'il ait déjà une copine, il expose le but de la manoeuvre: si l'une d'elles le rappelle, il l'emmènera dans la maison vide de son copain. Un autre jeune iranien, rencontré à Isfahan, fait croire à ses parents qu'il donne des cours particuliers afin d'inviter une de ses 5 petites amies chez lui. D'après lui, avoir plusieurs copains ou copines est une pratique courante: non seulement il est difficile de voir toujours la même personne au même endroit sans attirer l'attention, mais aucune relation n'est véritablement sûre de durer.

Mais alors, y aurait-il beaucoup moins de tabou qu'on ne l'imagine sur les relations hommes-femmes en Iran? Ce n'est pas si simple. Ces excés ne concernent vraisemblablement pas tous les jeunes iraniens. A Gandhi, nous avons affaire à des classes sociales aisées, cela se voit à leur look, à leur attitude, au fait que nombre d'entre eux parlent anglais. David et Amir sont peut-être eux-mêmes des exceptions. Il est d'ailleurs difficile de savoir quelle est la part de vérité et la part de vantardise.

Il n'empêche qu'un vent de liberté, on pourrait dire de rébellion, souffle parmi les jeunes générations. Un ras-le-bol contre des règles trop strictes qui interdisent les hommes et les femmes de se fréquenter librement, qui maintiennent les femmes dans des prisons d'étoffes, qui briment les velléités d'expression et qui établissent finalement un climat de suspiçion permanente, que nous ressentons toujours au début de nos rencontres.

De l'avis général, c'est l'élection de Khatami qui a inauguré ou encouragé cette aspiration libérale. Nos interlocuteurs aux tenues plus ou moins 'décontractées' nous avouent qu'ils n'auraient jamais été aussi audacieux avant l'arrivée de Khatami au pouvoir. David, lorsqu'il s'est fait arrêter et questionner car il se promenait en compagnie d'une jeune fille, s'est défendu en invoquant le président: 'Khatami a dit que les relations entre filles et garçons devraient être plus libres'. Les policiers avaient répliqué : 'Damned Khatami!'. Nous avons aussi rencontré un Iranien immigré en France et mariée à une Française, qui a emmené sa famille en vacances en Iran, après 7 ans d'absence. Les changements sont incontestables. Il y a sept ans, toutes les femmes étaient en noir, les gens parlaient beaucoup moins librement. 'Ils semblaient porter toute la tristesse du monde'. En un mot, ils semblent beaucoup plus épanouis aujourd'hui.

Mais comment interpréter la nature des relations entre jeunes filles et garçons? Est-ce véritablement un épanouissement, une libération bénéfique par réaction contre la mainmise de la religion sur la politique et toute la société? Après avoir cerné ce qui se passait dans ces coffee-shops, nous avons commencé à trouver l'atmosphère malsaine. La juriste franco-iranienne nous explique: 'Il n'y a pas d'intermédiaire entre le bar et la chambre à coucher. C'est triste.'

Le fait est que les jeunes n'ont pas d'autre endroit où se retrouver. Dans les écoles et universités, les cours sont rarement mixtes et les étudiants sont surveillés de près. Dans la rue, ils courent visiblement moins de risques qu'avant de se faire arrêter, mais ils n'ont toujours pas la liberté de se comporter comme un couple. Et finalement, le risque vient moins des policiers et basiji que des gens qu'ils connaissent, qui les connaissent. Une fille aperçue seule en compagnie d'un homme qui n'est pas de sa famille peut avoir sa réputation ruinée. Mieux vaut donc se cacher... dans des endroits privés, soit des chambres à coucher.

Ce qui se passe dans ces chambres est difficile à savoir. De vraies relations sexuelles? Certains nous l'ont affirmé, mais sans doute peu de filles ont-elles les moyens financiers de se faire opérer pour 'retrouver' leur virginité, indispensable le jour du mariage. Le jeune rencontré à Isfahan nous explique qu'il n'a pas le même type de relations avec ses 5 copines, qui va de la simple discussion aux relations sexuelles. Avec une nuance cependant, puisqu'il affirme que le garçon, pendant ces rapports, 'n'ouvre' pas la fille (traduction littérale, 'open' en anglais). Malgré ses confidences, il reste donc une dose de mystère.

Quoi qu'il en soit, les jeunes iraniens qui se donnent rendez-vous se retrouvent très vite l'un en face de l'autre et dans l'intimité, sans étapes intermédiaires et sans avoir appris à se connaître. La juriste franco-iranienne nous explique que les jeunes iraniens n'ont pas d'amis comme nous en France, car ils n'ont pas l'opportunité de se fréquenter. Elle les qualifie de 'déracinés'; ils veulent imiter les comportements occidentaux, mais ne peuvent le faire, concrétement, que de manière excessive, à cause des barrières sociales, religieuses, politiques, morales. Finalement, toutes ces rencontres et discussions nous laissent la même impression: elles témoignent des frustrations que la jeunesse iranienne vit - subit - quotidiennement.

Auteurs: Isa, Chacha et Charlotte

 

 



-





 
       

| page d'accueil
Les jeunes | Le voyage | Des photos | Notre aventure
FORUM | Nous | SHELL