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" Franchement, dis moi ce que tu penses de la situation en Iran.
N'aies pas peur de me choquer. "

Je savais que le pouvais librement répondre à cette question de mon ami iranien. Nous nous connaissions déjà depuis quelques jours et une relation de confiance s'était instaurée. A ceci s'ajoutait le fait qu'il avait passé deux ans de sa vie à l'étranger et qu'il avait déjà beaucoup côtoyé les occidentaux. Il pouvait ainsi plus aisément comprendre les idées que je m'étais forgées sur l'Iran à la deuxième semaine de mon voyage.

Quelle est ton idée sur l'Iran? Après avoir abordé l'incroyable hospitalité des Iraniens, je parlais du statut des femmes, statut qui me choquait au plus haut point, non seulement parce qu'elles doivent se couvrir la tête en public mais aussi parce que leur voix compte pour la moitié de celle d'un homme dans un tribunal.

Tout en m'écoutant attentivement, mon ami iranien (qui m'a demandé de l'appeler Shaheen pour ce reportage, un surnom qui signifie " aigle ", en allusion à l'albatros de Rimbaud), montrait que ce que je disais l'affectais. on regard, alors calme, reflétait un sentiment de colère et d'exaspération qu'il avait longtemps cumulé… et je savais alors qu'il partageait ma révolte.

" L'Iran est une dictature religieuse qui a codifié la vie de ses habitants jusqu'aux apparences vestimentaires en allégeant des principes religieux. La grande majorité des habitants voudrait plus de liberté et d'autonomie et si le pouvoir faisait une concession, il serait entraîné dans un engrenage libéral et disparaîtrait. Le port du voile est un moyen pour le Pouvoir d'affirmer sa puissance au quotidien. "

J'acquiesçais en lui racontant comment des Mollahs (cadres musulmans, employés par le régime s'assurer du bon respect des principes de l'Islam par la population, s'étaient arrêtés ans la rue pour demander à ma petite amie (que je faisais passer pour ma femme pour ne pont choquer) de mettre le voile de façon " réglementaire ", c'est à dire en couvrant le cou en plus des cheveux.

Ulcéré, Shaheen renversa son thé et serra son point. " Tu vois, me dit-il, le voile n'est qu'un détail mais c'est le plus visible. Cela oblige les gens à se concentrer sur leur tenue vestimentaire sans même penser à d'autres libertés. Et d'ajouter avec conviction " Si je pouvais me débarrasser des Mollahs… ".

- " Mais comment une telle dictature a t'elle pu se mettre en place, " lui demandais-je ?
- " Quand Khomeyni est arrivé au pouvoir, près de 200 intellectuels one été tués, ainsi que de très nombreux cadres politiques et civils pouvant fédérer une opposition. Ceci a été favorisé par la restriction des libertés et la loi martiale dues à la guerre Iran-Irak, ainsi que la désignation d'ennemis commun, les Etats-Unis et Israël, pour resserrer les rangs et mieux accuser les contestataires. Le semblant démocratique, ajouta t'il, c'est l'affaire de ce pays. "

- " Mais Khomeyni n'a t'il pas été élu par le peuple ", rétorquais-je ? Il répondit avec un rire moqueur et amer : " La structure de pouvoir est vampirisée. En Iran, le choix du peuple ne compte pas car seul le guide spirituel (Khameyni), issu les Mollahs, peut bloquer les faibles pouvoirs du président, grâce à deux organes qui ne dépendent directement ou indirectement, que de lui : le Conseil des gardes de la constitution (qui cumule grossièrement les pouvoirs du Conseil d'Etat et du Conseil Constitutionnel en France) et tout le pouvoir judiciaire. Khomeyni a essayé de libéraliser la presse, mais les juges en dernier recourt envoient en prison ceux qui osent critiquer trop ouvertement le régime. "

Et Shaheen d'ajouter : " La liberté de la presse n'existe pas car cette dernière ne peut critiquer les fondements de notre société et de notre droit, à savoir les principes constitutionnels et islamiques constitutionnels, l'Islam interprété par les Mollahs, ainsi que les deux personnages de l'Etat les plus importants " (le guide spirituel et le Président)

- " Tu dois te sentir très seul ici, dis-je à mon ami Shaheen. Pourquoi es-tu le seul à m'expliquer ça, alors que de très nombreux jeunes se contentent de me dire qu'ils n'aiment pas le gouvernement, sans pour autant aller plus loin ? Pour le voile, les jeunes que j'ai rencontrés jusqu'à présent ne me parlent plus de dictature mais de 'distinction liée à leur culture et héritage religieux'. Les rares qui le critiquent ne font pas le lien avec l'autoritarisme du Pouvoir. "

" Putain ! ", répliqua Shaheen, tu vois, tout ça c'est de la passivité et une véritable absence de sens critique. Leur culture et héritage religieux, qu'est-ce qu'ils en savent ? Tout ça montre qu'ils ont intériorisé la propagande qu'on leur a rabâchée depuis tout jeune. C'est comme ça qu'il peut y avoir des 'manifestations organisées par le gouvernement' contre Israël et les Etats-Unis et que des portraits de Khomeyni, Khameyni et Khatami sont visibles partout dans la rue et dans les maisons., comme pendant les dictatures soviétiques et régimes militaires des pays du Tiers Monde. Le véritable esprit critique a été annihilé chez les jeunes parce que ces derniers concentrent leur énergie à braver des interdits de façade, comme porter le voile au quart des cheveux, boire le l'alcool de temps en temps, et danser en cachette sur des musiques occidentales. Tu vois, souligna mon ami Iranien, le Pouvoir a réussi son coup ; ils ne voit même plus qu'ils sont dans un régime de dictature. Les plus critiques sont les plus facilement mâtés car ils ne sont, somme toute, qu'une minorité " soupira t'il, faisant allusion aux inquiétudes que lui avaient posées ses années d'étudiants agitateurs et ses débuts de vie professionnelle et tant que jeune médecin.

Dans le bruit du grand bazar, Shaheen continuait ses révélations, tout en déplorant faire partie d'une minorité. " Avec des jeunes concentrés sur ces choses là, ce n'est pas ça qui fera changer les choses en profondeur. Il faut des gens prêts à passer à l'action. Qu'on ne me dise pas que la démocratie, ça s'apprend et que les pays occidentaux ont eu besoin de trois siècles pour atteindre leur maturité actuelle. L'Iran était une démocratie avant Khomeyni, en dépit de l'autoritarisme du Shah, autoritarisme qui se bornait dans les hautes sphères politiques, sans pour autant affecter les citoyens. Les Islamistes ont ruiné l'Iran. Le pays ne possède plus aucune influence à l'échelle mondiale alors que sa population, son pétrole et son emplacement géographique lui donneraient le poids d'une grande puissance. "

Shaheen reprit après un regard songeur en direction d'un vendeur d'eau ambulant : " Qu'on ne me dise pas aussi que la seule façon de faire évoluer les choses est d'occidentaliser la population. Les Iraniens ne sont pas des animaux qui doivent s'occidentaliser pour être plus homme. J'en ai marre de tous ces observateurs et journalistes étrangers qui s'émerveillent en racontant que les Iraniens ne portent pas toujours le voile, qu'ils savent danser et fumer et qu'ils boivent de l'alcool en cachette. La situation est plus compliquée que ça. "

Tout en évitant les curieux intrigués d'entendre parler anglais, il ajouta d'un ton déterminé : " Nous possédons une culture solide avec un fort potentiel de développement… ruiné par la situation actuelle. Ce qu'il faut, c'est que les gens capables de passer à l'action s'unissent. Ce n'est pas trois cent hommes détenant les clés du pouvoir qui peuvent asservir un peuple de 70 millions. "

Quand je lui demande s'il aimerait quitter son pays pour vivre quelque part où il se sentirait plus à l'aise, Shaheen prend un regard pensif et plein d'espoir. " Non, me répond-il fermement. Je ne suis pas comme ceux qui demandent l'asile et abandonnent leur nationalité. Je suis fier d'être iranien et je veux contribuer à faire venir ce jour où les jeunes s'uniront pour faire revivre la liberté dans ce pays car, ajoute-il, cette révolte viendra des jeunes. Et je voudrais que le monde entier le sache ". Et de soupirer, " si jamais je pouvais publier un article dans des grands quotidiens étrangers… "

Sur le point de me quitter, Shaheen me sert la main d'une façon toute particulière an ajoutant avec insistance : " Je voudrais que tu finisse cet article en écrivant que je garde espoir et que un jour, la situation explosera de l'intérieur. Alors, les Iraniens pourront redevenir eux-mêmes et jouir de véritables libertés. "

 

En hommage

Dominique

 



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