Mehmoud, le chauffeur du désert
Les chauffeurs de camion recherchent la liberté, ici au Pakistan. Qui dirait de nos chauffeurs qu'ils sont libres, chez nous en France? En fait, pour beaucoup de personnes au Pakistan qui n'ont pas pu recevoir de diplôme d'université, l'entrée étant très compétitive et très chère, travailler comme chauffeur routier est une façon de trouver l'indépendance et de ne pas subir les ordres d'un patron dans un quelconque atelier.
C'est le cas de Mehmoud, plus avide que jamais de cette liberté de silloner le pays, sur ses routes magnifiques mais parfois exigeantes, même si cette liberté se paye 14 heures de conduite par jour dans l'ambiance feutrée d'un cokpit décoré et éclairé d'une lumière rouge.
Mehmoud est Baloutch et a grandi dans un de ces minuscules villages oubliés au milieu des sables, au milieu de rien, où les enfants traînent dans les rues, à l'ombre des murs nus. Au milieu des chameaux aussi ; Mehmoud, depuis l'enfance, rêve de voyager sur ces bêtes à la démarche chaloupée, de parcourir les dunes en voyant les paysages défiler inlassablement.
"Quand j'étais petit, je me souviens, je sortais de la maison en courant et en criant quand passaient les beaux camions décorés de la 'company' ".
Mehmoud n'a pas pu devenir chamelier, mais a réalisé son rêve de voyage : maintenant, au volant de son camion, il regarde le désert filer, à grande vitesse, sur les longs rubans d'asphalte du Baloutchistan.
Et son camion, c'est sa fierté, un vrai paysage aussi, entre les dessins de montagne et de rochers, les inscriptions calligraphiées dédiées au prophète et à Allah, quelques fresques des lieux saints de l'Islam. Et l'emblème de son camion ? Le chameau bien-sûr.
"C'est un animal tellement fascinant, qui traverse de longues distances sans s'essouffler, en supportant la chaleur sans broncher. Un peu comme mon camion...", dit-il en rigolant.
Mais c'est déjà la fin de la pause thé, et Mehmoud et ses amis reprennent leur cap, convoyant leurs sacs de grain et caisses de raisin, et nous faisons un bout de route ensemble avec notre bus Safar.
Et depuis, lorsqu'on voit un chameau courir dans les dunes du Baloutchistan, on sait qu'il court après Mehmoud, le chauffeur du désert.