Une journée particulière à l'est de la Turquie Après une longue réunion au sommet pendant laquelle nous décidons de raccourcir les délais de départ, le départ de Van est prévu à 9h30. Echec. Le générateur tout neuf ne veut pas délivrer plus d'énergie qu'une pauvre pile R6, Charlotte en profite donc pour se faire couper les poils de barbe au fil à coudre et se faire faire un brushing dernière mode par le coiffeur d'Ibrahim Tatlises, star nationale de la chanson s'il en est. A 14 heures (nous avons dépassé le record du départ le plus long), bien décidés à passer la frontière iranienne malgré deux malades graves et le moral pas toujours au beau fixe, on enfourche Safar. Nous franchissons je ne sais combien de barrages policiers sans encombre: il suffit d'être touristes, polis, souriants et surtout d'avoir quelques minutes à leur consacrer que ce soit pour boire le thé, rire de leurs blagues ou répondre aux éternelles questions telles que 'Türkyie, good?', 'Where are you from', 'örangi? '. On finit par parler couramment turc, au moins pour leur répondre afin de pouvoir dépasser le 30 km/h de moyenne. Les paysages que nous traversons sont absolument fabuleux, c'est une succession de montagnes plus majestueuses les unes que les autres, creusées par des vallées oasis. Tout ceci met la puce à l'oreille de notre bivouaqueuse nationale, il faut donc s'arrêter dans un village acheter de quoi tester notre barbecue et on repart en direction de nulle part dans un petit chemin de terre en montagne (Safar est un vrai 4X4). C'est à ce moment que Chacha se rappelle des recommandations du Quai d'Orsay et surtout de l'ambassade de France en Turquie, qui nous avait bien gardé de fréquenter cette zone pleine de méchants terroristes. Je cite : 'Les provinces de Van et Batman sont formellement déconseillées, état de guerilla.' Isa se rappelle aussi des paris de ses vrais amis, qui insunaient que notre dernière étape serait le Kurdistan. Mais Etincelle veut braver les dangers et se pointe dans un village choisi au hasard, Panplum, si nous avons bien compris. Cette fois ci, nous amorçons une nouvelle tactique : au lieu d'attendre que la sortie du bus soit envahie par les nombreux curieux, les hommes vont de l'avant et nous présentent. Ils reviennent avec tout le village derrière eux alors que les filles d'Etincelle se battent avec le charbon, les brochettes et le foin. Les Kurdes nous sont d'une aide précieuse, ils prennent les braises à pleines mains, soufflent et allument le barbeuk en deux temps trois mouvements. En prétextant un besoin impérieux de laver la marmite, j'en profite pour aller faire un tour chez les femmes. Les habitations sont faites de terre, tapis au sol, très modestes avec quelques ampoules. Il est vraiment dommage que nous ne parlions pas la même langue car les femmes n'ont pas la même audace que les hommes et pourtant, on sent la même envie de communiquer et la même curiosité. Elles resteront à l'écart à nous observer toute la soirée Tous les hommes se sont maintenant installés avec nous, Aurélie prend des cours de turc grâce aux dessins, Ana et Charlotte dansent, chantent et jouent avec les enfants, Romain apprend à mettre son foulard à la kurde et Dom ravitaille tout ce petit monde. S'il est très difficile de faire accepter aux adultes de partager notre repas, les enfants avalent avec avidité ce qu'on leur offre. Je suis étonnée de la relative facilité avec laquelle on peut se comprendre grâce à quelques rudiments de turc et d'anglais et nous sommes tous fascinés par leur accueil. Ils fêtent avec nous l'anniversaire de Chach. Si tout le monde avait gardé une certaine distance au départ, les hommes deviennent peu à peu plus pressants, veulent nous apprendre à danser, demandent nos adresses, montent dans le bus. Bref, les filles d'Etincelle paniquent un peu, d'autant plus que trois hommes du groupe manquent à l'appel, on agrippe Romain et on tente de mettre fin à la fête. Tout ceci nous a un peu refroidis, mais le matin, ce sont les femmes qui viennent nous voir alors que les hommes travaillent, l'une d'entre elles entreprend la tâche de soigner Marianne et tous les enfants sont rassemblés. Quelques uns font le tour operator de leur village avec Chach et Romain puis nous reprenons la route. Cette rencontre nous a tous beaucoup touchés, la relation avec ces villageois a été spontanée, forte même si nous n'avons pas toujours su comment ils nous ont perçus. Isa |